
On n'entendait plus beaucoup parler de la Fabbrica Blu de Campogalliano (ancienne usine Bugatti). Malheureusement, elle fait à nouveau la une des journaux, non pas pour des raisons de restauration ou pour des nouvelles de nouveaux projets. Au contraire. Le week-end dernier, ses espaces ont été le théâtre d'une rave non autorisée, avec des milliers de personnes occupant ses extérieurs et intérieurs.
La Française de la MotorValley
De l'ère Bugatti sous la direction de Romano Artioli, il reste 33 EB110 SuperSport et 93 EB110 GT. Des chiffres modestes pour l'une des supercars les plus incroyables de l'histoire, née d'un autre grand héritage de l'entrepreneur mantouan : la Fabbrica Blu de Campogalliano. Un lieu à la pointe de la technologie pour l'époque, inauguré en 1990 après trois ans de travaux.
La Bugatti EB110 à la Fabbrica Blu de Campogalliano à l'occasion des 30 ans de son inauguration
Le projet a été signé par l'architecte Giampaolo Benedini, donnant forme au rêve de Romano Artioli : de grands espaces, le souci du bien-être des employés, des solutions inédites et ce bleu éclatant qui illumine la façade, avec le nom Bugatti bien en vue.
Un temple né dans la MotorValley, aux côtés des différentes Ferrari, Lamborghini, Maserati. Nous connaissons l'histoire de Bugatti et aujourd'hui, les bolides classiques de Molsheim sont devenus des objets de culte, gardés dans les garages de riches propriétaires. La Fabbrica Blu de Campogalliano, quant à elle, a été abandonnée.
Une histoire (trop) courte
Le cœur de la Fabbrica Blu de Campogalliano était naturellement l'espace où étaient construites les EB110, mais de nombreux autres lieux définissaient son identité et son unicité. Comme la salle des designers : un plan circulaire de 30 mètres de diamètre sans colonnes pour soutenir le toit, dont le dessin s'inspire de celui de la roue de la Type 59, l'une des premières Bugatti de l'histoire. Un miracle d'ingénierie qui attirait des professionnels du monde entier, désireux de voir un lieu aussi unique.
Ou encore le système d'éclairage artificiel, conçu en suivant le cadran solaire pour tirer le meilleur parti de la lumière du soleil. Domotique des années 90, faite de boutons à actionnement manuel, mais avec ces éclairs de génie qu'on n'avait jamais vus auparavant.
Des étoiles aux écuries
La Fabbrica Blu n'a cependant duré que peu de temps. En1995, Bugatti déclare faillite, et en 1998, le Groupe Volkswagen la reprend, ramenant la production au siège historique de Molsheim. Campogalliano se vide et ces lieux qui ont vu naître ce qui était alors la voiture la plus rapide du monde résonnent de l'écho de la brève gloire de la Bugatti italienne. Avec un homme pour en prendre soin.
Ezio Pavesi et son fils Enrico
Il s'appelle Ezio Pavesi, le gardien historique qui, même après la faillite et le déménagement, décide de rester là, ensuite accompagné par son fils Enrico. Des années et des années à veiller sur la Fabbrica Blu, sur sa mémoire et sur ces espaces qui pendant cinq ans ont été témoins d'un rêve, faisant également office de guides pour les touristes.
Et accueillant le début de la Bugatti Centodieci, revival de l'EB110, produite pour célébrer les 110 ans de la naissance d'Ettore Bugatti. Une aventure qui a duré jusqu'en 2021, lorsque l'ancien établissement change de propriétaire, passant entre les mains du milliardaire français Adrien Labi, dont le projet prévoyait la création d'un musée et des espaces pour les universités et les artisans.
La Bugatti Centodieci à Campogalliano
Aucun de ces projets n'a jamais vu le jour, à cause notamment d'une saisie de 461 millions d'euros pour évasion fiscale au détriment de l'entrepreneur français.
Nous en arrivons à nos jours, avec le week-end à peine passé qui a vu arriver à la Fabbrica Blu plus de 5 000 personnes pour une rave qui, selon les images publiées par divers médias locaux, a vandalisé ses espaces.
Ezio Pavesi dans l'usine bleue de Campogalliano
Romano Artioli avec la Bugatti EB110 à la Fabbrica Blu de Campogalliano
Un événement dû à la négligence qui, en quatre ans, a laissé à l'abandon un lieu historique qui, comme tant d'autres bâtiments italiens, mérite mieux. C'est pour cette raison que l'Association Bugatti Automobili Campogalliano APS, née en 2021 à l'initiative de la famille Dondi/Pavesi, d'anciens employés, d'entrepreneurs locaux et de passionnés, a lancé une pétition pour sauver la Fabbrica Blu.
Un lieu qui n'appartient pas seulement à la MotorValley mais représente un morceau d'Italie et qui mérite d'être à nouveau raconté et vécu.